À La Trinité-sur-Mer, Jean-Marie Le Pen est retourné à la maison du père

Jean-Marie Le Pen est retourné à La maison du père, selon l’expression d’un autre Breton enraciné, l’académicien Michel Mohrt, dans son livre éponyme. À double titre. Du père charnel, marin pécheur dont il dut, tout gamin, aller reconnaître le corps déchiqueté par une mine, et du père spirituel, dont il parlait souvent, bien que d’un bout à l’autre de sa vie, il ait souvent été en délicatesse avec son clergé. Mais comme il le raconte dans ses mémoires, « à la maison, il n’y avait pas l’eau courante mais on aimait sa famille, son pays et son Dieu ». Et dans l’église de La Trinité-sur-mer, son village natal, il y avait aussi cette trinité personnelle, indissociable.
Sa famille, unie dans la douleur - ses trois filles, Marie-Caroline, Yann, Marine, tout en noir et se tenant par la main -, il faut avoir lu Les Quatre Filles du docteur March ou n’avoir soi-même eu que des sœurs pour savoir ce que représente un père pour (attention oxymore) une fratrie sans garçon -, sa veuve, Jany, puis la mère de ses enfants, Pierrette, ses petits-enfants, parmi lesquels évidemment Marion.
Puis, intrinsèquement lié au destin de cette famille, son pays : le grand, la France - pour lequel il fut plus Cassandre que Priam, n’en ayant jamais été président quoiqu'ayant souvent essayé, mais pour lequel il fut inlassablement, selon l’expression moderne consacrée, lanceur d’alerte -, et puis le petit, la Bretagne, auquel il doit sa tête dure, sa combativité et sa foi de charbonnier.
Plus de 150 personnes n’ont pas pu rentrer dans l’église faute de place, et n’ont pu assister à la messe dite en mémoire de Jean-Marie Le Pen. pic.twitter.com/gzLAA6fnw1
— Boulevard Voltaire (@BVoltaire) January 11, 2025
Car il y avait évidement Dieu, aussi, auquel il fit référence toute sa vie - notamment lorsque dans L’Heure de vérité, regardant la caméra, c’est-à-dire les Français, il terminait par « Que Dieu vous garde ! », horresco referens pour la sacro-sainte laïcité. Lui ne se prenait pas pour un saint, et ne l’était sans doute pas, mais se savoir pécheur, c’est déjà un peu croire. Au journaliste d’une chaîne publique qui lui demandait, il y a dix ans, sa réaction si d’aventure sa fille gagnait la présidentielle, il avait répondu : « Je dirai comme le vieillard Siméon, Et nunc dimittis. » Son interlocuteur, qui ne devait pas connaître le Cantique de Siméon, était resté coi, comme s’il avait parlé chinois. Jean-Marie Le Pen n’a pas vu sa fille accéder à la magistrature suprême, mais assez pour être convaincu, comme il l’a confié lors de l’un des ses derniers entretiens au Point, qu’elle le serait un jour et donc tirer sa révérence : « Et maintenant, je peux m’en aller. »
Respectant la volonté de la famille, aucun journaliste de Boulevard Voltaire n’était présent. Seule une journaliste, Ivanne Trippenbach, d’une seule rédaction, Le Monde, a bravé ce souhait express, s’asseyant à la messe munie de son petit carnet, refusant même tout d'abord de quitter les lieux et n’obtempérant finalement qu’à grand-peine lorsque la députée RN anciennement responsable des relations presse de Marine Le Pen, Caroline Parmentier, l'a fermement priée de sortir. Mais un témoin nous a raconté : l’entrée du cercueil, porté par ses petits-fils, sur fond de chœur des esclaves de Nabucco, qui introduisait jadis tous ses meetings. Ledit cercueil devant l'autel, ceint du drapeau tricolore, puisque c'est un ancien combattant qu'on enterre - il y a, du reste, des bérets rouges de para dans l’assistance -, et sur un coussin, ses décorations, qui ne sont pas en chocolat, celles-là, contrairement à celles de nombre de politiques actuels.
Le curé qui officie est celui du village, le père Dominique Le Quernec. Olympe, la petite-fille du Menhir, bien qu’âgée d’à peine 10 ans - « elle promet », murmure-t-on dans l’assistance devant son aisance, mais chez les marins pêcheurs bretons, les femmes sont connues pour avoir du tempérament, et en particulier dans la famille Le Pen -, fait une lecture. L’Évangile est celui des Béatitudes : « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous… » Pendant l’absoute, très longue, retentit le Dies irae, séquence traditionnelle datant du XIIIe siècle de la messe des morts que Jean-Marie Le Pen aimait à chanter par cœur, a capella. Les Trinitains, en nombre dans l'assistance, entonnent à pleins poumons le célèbre cantique breton « Sainte Anne, ô bonne mère, entends notre prière, et bénis tes Bretons. Ô sainte Anne, ô Marie, nos vœux montent vers vous, sauvez notre patrie, priez, priez pour nous. » Quant à la sortie, elle se fait au son du « Chez nous, soyez Reine ». Jean-Marie Le Pen, nous explique-t-on, avait, comme sa dernière fille, une grande dévotion pour la Vierge. Il en portait le prénom, en même temps que celui de l'apôtre qui, avec elle, entourait le Christ sur le calvaire. Guère étonnant qu’il ait eu souvent, dans sa vie, à porter sa croix. Il appelait cela « avaler un bol de crapauds tous les matins ».
Avec sa grand croix (portée par son petit-fils, Romain Maréchal, frère de Marion), ses prêtres en surplis et ses enfants de chœur en soutanelle, la procession de l’église au cimetière, comme cela se faisait autrefois, ressemble à un tableau de Courbet, L’Enterrement à Ornans. Avec les binious du célèbre « bagad », et les costumes traditionnels à chapeaux ronds, on se croirait dans un pardon breton. Un mot que l’on peut d’ailleurs comprendre de toutes les façons : les applaudissements au passage du cortège funéraire, les « merci » nombreux qui fusent sonnent comme une réparation de l’indigne spectacle de mardi, place de la République. Même le temps était breton… enfin, tel que le décrivent, avec une mauvaise foi assumée, les Bretons : ensoleillé.
Plusieurs centaines de Français sont venus à la Trinité-sur-Mer pour rendre un dernier hommage à Jean-Marie Le Pen. pic.twitter.com/LNrzExKaff
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Après son inhumation dans le caveau familial, près de ses parents, les proches ont quitté le cimetière et se sont rassemblés pour lire quelques mots intimes d'hommage mais aussi chanter le répertoire qu’il aimait tant : Au 31 du mois d’août ou encore son préféré, Le Forban : « Que m’importe la gloire ».
Le dispositif policier déployé était conséquent. Dans ce village de 1.700 habitants, 20 Minutes reconnaît - ce n'est pas faute d'avoir cherché - n’avoir trouvé « pas grand monde pour critiquer le plus sulfureux des hommes politiques français » : « Il était apprécié et respecté ici, par pour ses idées politiques mais parce qu’il est Trinitain et qu’il était resté attaché à sa commune », témoigne un trentenaire. Les locaux n’ont pas croisé Jean-Marie Le Pen depuis longtemps, mais « souvent ses filles l’été. Ce sont des gens simples et respectueux qui ne font pas de vagues quand ils sont ici, et tout le monde les laisse tranquilles. »
Cependant, certains s’inquiètent, ils ne voudraient pas que « La Trinité devienne Colombey-les-deux-Églises ». La comparaison doit faire sourire, là-haut, Jean-Marie Le Pen. Mais l’interrogation est réelle : qui protégera la sépulture ? Car en France, et cela en dit long sur l’état de notre pays, on redoute d’ensevelir les frères Kouachi de peur d’un pèlerinage, et Le Pen de crainte d’une profanation.
Aujourd’hui s’est tournée la dernière page d’Un roman français, pour reprendre le titre d’un célèbre bouquin primé de Frédéric Beigbeder. Requiescat in Pace, qu’il repose en paix, selon la formule consacrée, et que nul ne vienne troubler sa dernière demeure. Un sondage récent montre que c’est ce que tout ce que lui souhaitent, aujourd'hui, une majorité de Français.
L’assemblée a chanté le cantique « Chez nous, soyez Reine », ainsi que le cantique breton « Sainte Anne ô bonne Mère », en hommage à Jean-Marie Le Pen. pic.twitter.com/SH7A2k0eqf
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54 commentaires
Permettez Madame,un petit rectificatif: le cercueil n’était pas sein du drapeau, mais enveloppé dans le drap tricolore. Pour un ancien combattant cette différence est importante. Pour le reste merci pour ce bel article.
Ceint bien sûr !toutes mes excuses.
J’ai croisé Marc Aynaud dans la foule des anonymes.
C’est d’autres Français que place de la République !! Problème c’est qu’ils deviennent minoritaires et en voie de disparition !!
J’ai voté pour lui dans le passé ; mes parents votaient également pour lui dans les années 70 , avec le succès que l’on connaît à l’époque…..seul regret : ses déclarations imbéciles dans les médias qui ont retardé de 20 ans l’accession au pouvoir de ses idées….Sa fille Marine en sait quelque chose…..
Moi de même, et je pense que nous sommes très nombreux dans ce cas. Sa disparition marque la fin d’un épisode dans l’histoire de la France. Une page se tourne mais pour les amoureux de notre pays, notre histoire continue avec le RN… et seuls les bons souvenirs de lui nous resteront…
Merci, Monsieur le Pen, reposez en paix !
Moment émouvant, paix à votre âme Jean-Marie
Merci Gabrielle pour ce beau récit, quel bel hommage a Jean-Marie . il a parfois dérapé soit , mais qui n’a jamais commis des fautes ? En tous cas il était croyant, je souhaite que d’autres personnes politiques en prennent graine.
« en France, et cela en dit long sur l’état de notre pays, on redoute d’ensevelir les frères Kouachi de peur d’un pèlerinage, et Le Pen de crainte d’une profanation. » terrible réalité en effet – Néanmoins la tradition, les rythes, la solanité, et la force d’une famille unie, voilà ce que l’on retient à la lecture de votre témoignage épistolaires Mme Clusel, merci –
Qu’il repose en paix c’était un visionnaire et personne ne le prenait au sérieux et l’on voit les dégâts aujourd’hui dans le pays
Merci pour ce témoignage quant à cette cérémonie d’obsèques digne et chaleureuse. Cela fait au chaud au coeur pour cette famille dans le deuil. Mais cette cérémonie fut aussi rassurante après les débordements place de la républiques, débordements indécents de barbares décérébrés qui peuvent se permettre de faire couler le champagne à flot, utiliser des feux d’artifice à gogo, pavaner en manteau de fourrure et brandir des drapeaux algériens et islamistes.
Bonjour, et merci Mme Cluzel, en peu de mots, vous avez résumé ce que nous Français nous ressentons, et aussi et surtout détailler cette frange d’une population, qui inexorablement à force d’entêtement, et d’inculture, nous dirigent au fond du gouffre ! MERCI
Merci Gabrielle,.
Votre émouvant commentaire sur Jean Marie LE PEN est digne de vos convictions et votre engagement.
On y sent votre conviction et votre sincérité dépassant largement le langage professionnel .
Et vient de disparaître l’un des derniers hommes politiques qui aimait la France, son drapeau . Sa culture judéo-chrétienne chrétienne : RIP
L’émotion me saisit à la lecture (et relecture) de votre article. Je crois avoir été de ceux qui ont rendu un dernier hommage à ce grand patriote qui comme vous le rappelez, en référence à M Mohrt, a rejoint la maison du père. Cette émotion provient aussi du fait que l’organisation de cette cérémonie fait la part belle aux traditions bretonnes, en et à l’extérieur de l’église, auxquelles je suis très attaché, qui ont elles aussi tendance malheureusement à s’émousser et que la circonstance à permis de mettre en avant. Et ceci n’est pas sans lien avec la personnalité du défunt, attaché à ses racines et bretonnes et françaises, jusqu’au bout… Merci pour ce magnifique billet.
RIP Mons. Le Pen
Merci Gabrielle pour ce jolie moment passer pour la derniére demeure de Jean Marie Le Pen dans son village natal.