À La Trinité-sur-Mer, Jean-Marie Le Pen est retourné à la maison du père

Requiescat in Pace - qu’il repose en paix -, c'est ce que lui souhaitent aujourd'hui les Français.
livret jmlp

Jean-Marie Le Pen est retourné à La maison du père, selon l’expression d’un autre Breton enraciné, l’académicien Michel Mohrt, dans son livre éponyme. À double titre. Du père charnel, marin pécheur dont il dut, tout gamin, aller reconnaître le corps déchiqueté par une mine, et du père spirituel, dont il parlait souvent, bien que d’un bout à l’autre de sa vie, il ait souvent été en délicatesse avec son clergé. Mais comme il le raconte dans ses mémoires, « à la maison, il n’y avait pas l’eau courante mais on aimait sa famille, son pays et son Dieu ». Et dans l’église de La Trinité-sur-mer, son village natal, il y avait aussi cette trinité personnelle, indissociable.

Sa famille, unie dans la douleur - ses trois filles, Marie-Caroline, Yann, Marine, tout en noir et se tenant par la main -, il faut avoir lu Les Quatre Filles du docteur March ou n’avoir soi-même eu que des sœurs pour savoir ce que représente un père pour (attention oxymore) une fratrie sans garçon -, sa veuve, Jany, puis la mère de ses enfants, Pierrette, ses petits-enfants, parmi lesquels évidemment Marion.

Puis, intrinsèquement lié au destin de cette famille, son pays : le grand, la France - pour lequel il fut plus Cassandre que Priam, n’en ayant jamais été président quoiqu'ayant souvent essayé, mais pour lequel il fut inlassablement, selon l’expression moderne consacrée, lanceur d’alerte -, et puis le petit, la Bretagne, auquel il doit sa tête dure, sa combativité et sa foi de charbonnier.

 

Car il y avait évidement Dieu, aussi, auquel il fit référence toute sa vie - notamment lorsque dans L’Heure de vérité, regardant la caméra, c’est-à-dire les Français, il terminait par « Que Dieu vous garde ! », horresco referens pour la sacro-sainte laïcité. Lui ne se prenait pas pour un saint, et ne l’était sans doute pas, mais se savoir pécheur, c’est déjà un peu croire. Au journaliste d’une chaîne publique qui lui demandait, il y a dix ans, sa réaction si d’aventure sa fille gagnait la présidentielle, il avait répondu : « Je dirai comme le vieillard Siméon, Et nunc dimittis. » Son interlocuteur, qui ne devait pas connaître le Cantique de Siméon, était resté coi, comme s’il avait parlé chinois. Jean-Marie Le Pen n’a pas vu sa fille accéder à la magistrature suprême, mais assez pour être convaincu, comme il l’a confié lors de l’un des ses derniers entretiens au Point, qu’elle le serait un jour et donc tirer sa révérence : « Et maintenant, je peux m’en aller. »

Respectant la volonté de la famille, aucun journaliste de Boulevard Voltaire n’était présent. Seule une journaliste, Ivanne Trippenbach, d’une seule rédaction, Le Monde, a bravé ce souhait express, s’asseyant à la messe munie de son petit carnet, refusant même tout d'abord de quitter les lieux et n’obtempérant finalement qu’à grand-peine lorsque la députée RN anciennement responsable des relations presse de Marine Le Pen, Caroline Parmentier, l'a fermement priée de sortir. Mais un témoin nous a raconté : l’entrée du cercueil, porté par ses petits-fils, sur fond de chœur des esclaves de Nabucco, qui introduisait jadis tous ses meetings. Ledit cercueil devant l'autel, ceint du drapeau tricolore, puisque c'est un ancien combattant qu'on enterre - il y a, du reste, des bérets rouges de para dans l’assistance -, et sur un coussin, ses décorations, qui ne sont pas en chocolat, celles-là, contrairement à celles de nombre de politiques actuels.

Le curé qui officie est celui du village, le père Dominique Le Quernec. Olympe, la petite-fille du Menhir, bien qu’âgée d’à peine 10 ans - « elle promet », murmure-t-on dans l’assistance devant son aisance, mais chez les marins pêcheurs bretons, les femmes sont connues pour avoir du tempérament, et en particulier dans la famille Le Pen -, fait une lecture. L’Évangile est celui des Béatitudes : « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute, et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous… » Pendant l’absoute, très longue, retentit le Dies irae, séquence traditionnelle datant du XIIIe siècle de la messe des morts que Jean-Marie Le Pen aimait à chanter par cœur, a capella. Les Trinitains, en nombre dans l'assistance, entonnent à pleins poumons le célèbre cantique breton « Sainte Anne, ô bonne mère, entends notre prière, et bénis tes Bretons. Ô sainte Anne, ô Marie, nos vœux montent vers vous, sauvez notre patrie, priez, priez pour nous. » Quant à la sortie, elle se fait au son du « Chez nous, soyez Reine ». Jean-Marie Le Pen, nous explique-t-on, avait, comme sa dernière fille, une grande dévotion pour la Vierge. Il en portait le prénom, en même temps que celui de l'apôtre qui, avec elle, entourait le Christ sur le calvaire. Guère étonnant qu’il ait eu souvent, dans sa vie, à porter sa croix. Il appelait cela « avaler un bol de crapauds tous les matins ».

 

Avec sa grand croix (portée par son petit-fils, Romain Maréchal, frère de Marion), ses prêtres en surplis et ses enfants de chœur en soutanelle, la procession de l’église au cimetière, comme cela se faisait autrefois, ressemble à un tableau de Courbet, L’Enterrement à Ornans. Avec les binious du célèbre « bagad », et les costumes traditionnels à chapeaux ronds, on se croirait dans un pardon breton. Un mot que l’on peut d’ailleurs comprendre de toutes les façons : les applaudissements au passage du cortège funéraire, les « merci » nombreux qui fusent sonnent comme une réparation de l’indigne spectacle de mardi, place de la République. Même le temps était breton… enfin, tel que le décrivent, avec une mauvaise foi assumée, les Bretons : ensoleillé.

 

Après son inhumation dans le caveau familial, près de ses parents, les proches ont quitté le cimetière et se sont rassemblés pour lire quelques mots intimes d'hommage mais aussi chanter le répertoire qu’il aimait tant : Au 31 du mois d’août ou encore son préféré, Le Forban : « Que m’importe la gloire ».

Le dispositif policier déployé était conséquent. Dans ce village de 1.700 habitants, 20 Minutes reconnaît - ce n'est pas faute d'avoir cherché - n’avoir trouvé « pas grand monde pour critiquer le plus sulfureux des hommes politiques français » : « Il était apprécié et respecté ici, par pour ses idées politiques mais parce qu’il est Trinitain et qu’il était resté attaché à sa commune », témoigne un trentenaire. Les locaux n’ont pas croisé Jean-Marie Le Pen depuis longtemps, mais « souvent ses filles l’été. Ce sont des gens simples et respectueux qui ne font pas de vagues quand ils sont ici, et tout le monde les laisse tranquilles. »

Cependant, certains s’inquiètent, ils ne voudraient pas que « La Trinité devienne Colombey-les-deux-Églises ». La comparaison doit faire sourire, là-haut, Jean-Marie Le Pen. Mais l’interrogation est réelle : qui protégera la sépulture ? Car en France, et cela en dit long sur l’état de notre pays, on redoute d’ensevelir les frères Kouachi de peur d’un pèlerinage, et Le Pen de crainte d’une profanation.

Aujourd’hui s’est tournée la dernière page d’Un roman français, pour reprendre le titre d’un célèbre bouquin primé de Frédéric Beigbeder. Requiescat in Pace, qu’il repose en paix, selon la formule consacrée, et que nul ne vienne troubler sa dernière demeure. Un sondage récent montre que c’est ce que tout ce que lui souhaitent, aujourd'hui, une majorité de Français.

 

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 13/01/2025 à 9:35.
Picture of Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

54 commentaires

  1. Merci pour ce vibrant dernier hommage a cet homme de conviction qui traça sa route au pas légion toujours droit dans ses bottes. Qu’il repose en paix il l’a mérité .

  2. Une seule solution, une vidéo surveillance du caveau 24H/24H et un accès avec un code ou une clé au cimetière, sinon il y a un grand risque de profanation comme on a pu le voir par ces énergumènes mardi soir.

    • Effectivement il y a un risque que les bas du front qui pullulent et crachent leurs venins gauchiste sur des journaux en ligne comme France info, viennent profaner la tombe tellement leur niveau intellectuel est proche de zéro.

  3. Très bel article, sobre, digne. J’ai été choquée bien sûr par certains de ses propos, mais je votais pour lui, pour sa vison de la France, et la vérité qu’il assénait sans tabou, c’était un patriote qui aimait son pays. Moi, par contre je n’aime plus mon pays, car je m’y sens étrangère. Vraiment c’est un bel article. Merci

  4. Encore un grand Français qui disparait, merci madame G Cluzel pour votre article. Il nous reste qu’a souhaiter de nombreuses relèves pour la France. Vue certaines déclarations du journal Le Monde, étonnant de voir la présence d’un de ses journalistes.

  5. Merci Mme Cluzel pour ce très bel hommage pour un homme qui s’est battu toute sa vie pour la France . Qu’il repose en paix et condoléances à sa famille.

    • J’espère que nombreux seront ceux qui assisteront à la messe et cérémonie d’hommage qui lui sera rendue le 16 à Notre-Dame du Val-de-Grâce.
      J’habite en Normandie mais je me fais un devoir d’y assister pour mon mari qui ne peut plus se déplacer, pour mon père qui a milité de nombreuses années pour le FN et pour moi qui suis admirative et reconnaissante pour ce qu’il a fait et subi pour notre malheureux pays.
      Merci Mr Le Pen

  6. En lisant ce bel hommage les larmes coulent car c’est comme si j’enterrais à nouveau mes parents et je ressens ma Bretagne et ses traditions pour les avoir connues ainsi.
    Merci Mme Cluzel car sans plagier votre article il sera dans mon autobiographie qui s’écrit .

  7. Un grand merci à vous, madame Gabrielle Cluzel pour ce magnifique hommage à Jean Marie Le Pen. A vous lire, je retrouve ce qu’il était, et ce qu’est la terre Bretonne. Je suis triste, mais je reste dans l’espérance. Je suis certain que le combat qu’il a mené portera ses fruits. Reposez en paix monsieur le Pen.

  8. Article émouvant en effet. Mais hélas vous faites d’ailleurs bien de le préciser « en France, et cela en dit long sur l’état de notre pays, on redoute d’ensevelir les frères Kouachi de peur d’un pèlerinage, et Le Pen de crainte d’une profanation. »
    Les tombes des frères Kouachi comme celle d’un Merah et de toute la cohorte de ces meurtriers doivent être sous protection on nomme ça acheter la paix sociale.
    Mais qui pourra empêcher LFI, les « antifas » ou n’importe quel idiot d’aller vandaliser la tombe de Jean Marie le Pen ?

    J’espère me tromper mais je parie que dans moins d’un an les barbares auront déjà frappé.

  9. On peut toujours souhaiter que Dieu ait son âme mais c’est une évidence, au regard de son parcours de vie et de celui de ses ennemis, qu’il a été déjà bien accueilli là-haut d’où il va œuvrer pour la France, fille ainée de l’Eglise.

  10. Très bel article , merci Madame Cluzel ; dignité , simplicité , un enterrement joliment français , JMLP peut partir tranquille

  11. Merci Gabrielle de ce très émouvant récit qui nous permet de participer en différé à ses obsèques et à lui rendre hommage tout en l’entourant de nos prières dans l’intimité de notre recueillement.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Il faut faire des confettis avec le cordon sanitaire
Gabrielle Cluzel sur CNews

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois